I) La valorisation du métier d'enseignant durant la première moitié du XXème siècle
A / L'élitisme
Au 20ème siècle, les professeurs occupent une place majeur dans la société, on est toujours de leur avis, toujours on les conseillent.
Mais cette notoriété, qui a aujourd'hui un peu disparus, est due a de nombreux facteurs, et notamment a l'élitisme qui était présent pour ce métier et qui faisait de l'enseignant des petits villages de campagne, le notaire le plus important de celui ci.
En effet comparé aux chiffres actuelles, le nombres d'enseignant qui étaient a l'époque de 9751 dans le secondaires pour la France entière peut aujourd'hui paraître ridicule, sachant que le nombre actuel est d'environ 80 000 professeurs dans le pays entier.
Cet argument a un poids extrêmement puissant sur l'image du prof en tant qu'élite de la société.
Mais cette évolution n'est-elle pas lié à l'explosion du nombre d'élèves depuis le début du 20ème siècle ? En effet dans les années 1930 seulement 50 000 élèves étaient alors scolarisé contre 5millions aujourd hui !
Evolution du nombre de professeurs par an.
Quand Jules Ferry, à la fin du XIXe siècle, institue l'instruction obligatoire jusqu'à 13 ans, avec une école primaire gratuite, le secondaire public est payant.
Les professeurs n'y enseignent qu'à un très faible pourcentage d'une classe d'âge, des élèves sélectionnés par une position sociale fortunée ou par des bourses qu'ils obtiennent au mérite. Une représentation du bon professeur du secondaire domine alors, souligne Claude Lelièvre, historien de l'éducation :
"Parce qu'il avait une grande culture, il savait ipso facto(automatiquement) enseigner "
, comme s'il lui suffisait de dispenser son savoir à une élite jugée apte à le recevoir, alors que l'esprit des lois Ferry était de dispenser la meilleur éducation possible au maximum de gens, qui n'est donc absolument pas respecté. Mais la massification de l'enseignement secondaire au cours du XXème siècle, conséquence de la hausse du nombre d'élèves, change la donne, surtout après 1930.
La pression démocratique pour une école "ouverte à tous" commence à peser, puis le baby-boom et le besoin de jeunes diplômés, d'ingénieurs et autres, dans la France d'après la seconde guerre mondiale. L'école secondaire doit se réformer et la scolarité se prolonger. L'aboutissement de cette crise, la création du « collège unique » en 1975, qui est aussi une conséquence des manifestations survenus en mai 68, qui impose a tous les enfants de suivre un cursus scolaire jusqu'à leur 16 ans.
C'est ainsi que le nombres d'étudiants en France a été décuplé et ce changement, a sans aucun doute eu une influence majeur sur l'évolution du rapport profs élèves, qui n'est d'ailleurs pas comparable a celui de des années 1930. De plus cette évolution a été également influencé par une avancé majeur de l'éducation au 20ème siècle : la féminisation. En effet dans la loi Gobelin du 30 octobre 1886 il est dit :
« L'enseignement est donné par des instituteurs dans les écoles de garçons, par des institutrices dans les écoles de filles, dans les écoles maternelles, dans les écoles ou les classes enfantines et dans les écoles mixtes. Dans les écoles de garçons, des femmes peuvent être admises à enseigner à titre d'adjointes, sous la condition d'être épouse, sour ou parente en ligne directe du directeur de l'école ».
Cette loi exprime explicitement le fait que les femmes ne pouvaient qu'enseigner à des jeunes filles, alors que les hommes pouvaient être l'instituteur de classe de garçons, et de classes mixtes, et on sent ici le très grand sexisme de la société, qui n'était s'ailleurs pas que présent dans l'enseignement.
À peine installé au ministère de l'Instruction publique, en 1879, Jules Ferry a donné la priorité au vote de la loi sur les écoles normales de jeunes filles parce qu'il y avait, pour lui comme pour Paul Bert (ministre de l'instruction publique de 1872 a 1876), une particulière urgence à doter tous les départements d'une élite enseignante féminine laïque. Mais les républicains de cette époque espéraient que leur ouvre ne serait que l'avant-garde, et que la féminisation du métier d'enseignant se propagerait.
Les études récentes sur ces établissements s'accordent sur le caractère rigoureusement austère du programme imposé aux élèves maîtresses depuis le lever à cinq heures du matin jusqu'au coucher à vingt et une heures trente. Toutefois, leurs effectifs ne permettaient pas de remplacer autant qu'on l'aurai voulu a l'époque le personnel masculin, comme la loi Goblet du 30 octobre 1886 en créa l'obligation.
La loi du 9 août 1879 accordait aux départements un délai de quatre ans pour financer la construction des écoles normales d'institutrices manquantes. À l'échéance prévue, en 1883, la moitié est du pays est à peu près couverte d'écoles normales de jeunes filles. Il a fallu six ans de plus à la moitié ouest pour rattraper son retard. Dans dix-sept départements, l'ouverture de l'école normale n'a eu lieu qu'en 1884.
La première promotion des élèves maîtresses de l'Indre par exemple ne fut accueillie à l'école de Châteauroux que dix ans après le vote de la loi, à la rentrée de 1889, car on répugnaient à laisser l'éducation de jeunes enfants a des femmes a l'époque.
Le 3ème argument expliquant que les professeurs était considérés comme des élites a l'époque est le fait qu'au début du 20ème siècle, seul des professeurs normalien, donc sortant d'écoles normaliennes (En France, une école normale supérieure ou ENS est une école de la fonction publique assurant la formation de chercheurs et d'enseignants dans les disciplines littéraires, scientifiques et technologiques) qui sont considérées comme les plus sélectives, alors que petit à petit de plus en plus d'enseignants brevetés mais non normaliens sont devenus enseignants jusqu'à que la quasi majorité des enseignants deviennent non normaliens.
Leur image a aussi sans doute beaucoup été affaiblie par cela car à l'époque, lorsqu'on sortait d'une école normalienne on était considéré tel un génie, avec cela l'image, et le respect du aux professeurs par les élèves qui a évolué jusqu'à nos jours avec même la présence d'une certaine « remise en cause de l'enseignant » chose impensable au début du siècle !
B / Mise en scène de l'autorité
Le métier d'enseignant était très valorisé les siècles derniers notamment à cause de la mise en scène de son autorité. Cette dernière a totalement évolué au cours du 20ème siècle. Cette dévalorisation progressive a conduit l'enseignant à devenir plus « pédagogue» et moins « sévère ». Nous allons étudier les différents facteurs qui contribuaient à mettre en scène l'autorité du professeur.
A partir des années 1970, de nombreuses écoles supprimèrent les estrades, ce qui changea complètement l'image du professeur. Cette perte symbolique et considérable a contribué au changement de l'attention des élèves et à une légère dégradation progressive du respect dû à l'enseignant. L'estrade, cette installation efficace, permettait au professeur d'avoir un meilleur contrôle de sa classe, en pouvant surveiller davantage ses élèves et avoir une vue globale de la salle de classe. La suppression des estrades dans les écoles fut une conséquence de la « Révolution pédagogique » qui a eu lieu quelques temps après mai 68.
« Pour les promoteurs de cette révolution (Ivan Illitch, Edwy Plenel, Philippe Meirieu pour les plus connus), l'école devait abandonner sa mission de transmission des connaissances et des valeurs pour devenir un lieu où les enfants de tous les milieux sociaux vivent ensemble sur un mode égalitaire ». C'est ainsi qu'ont été créé le baccalauréat pour tous, les études supérieures généralisées, le collège unique et qu'ont été abolis la sélection, les notes et certaines sanctions (dont nous parlerons plus tard).
De nombreux pédagogues disent que si l'estrade est suffisamment haute, elle peut avoir une influence sur l'attention que les élèves portent aux heures de cours. Effectivement, le professeur faisant son cours sur une estrade s'apparente à la prononciation d'un discours ce qui permet de capter les regards et l'attention de la classe. L'estrade soulignait également une inégalité entre les élèves et le professeur, ce qui conférait à l'enseignant un certain respect car il était placé au dessus de ses étudiants, le rendant supérieur à ces derniers.

Ci contre, une photographie d'une reconstitution d'une salle de classe du début du XXème siècle. On constate la présence d'une estrade située à l'endroit où le professeur fait son cours.
De nos jours, le système éducatif ayant totalement changé, l'élève est mis au centre et est presque égal à « celui qui transmet le savoir ». On le remarque notamment par l'habit du professeur. Auparavant, les enseignants portaient un uniforme, un habit les démarquant et les détachants des élèves. Cet habit suscitait un certain respect et mettait en valeur une inégalité entre les professeurs et leurs élèves. Actuellement, un grand nombre d'enseignants s'habillent « à la mode », quelquefois de la même manière que leurs élèves.
Ce changement dans la façon de se vêtir a eu une légère incidence: certains élèves peuvent quelquefois prendre leurs professeurs comme leurs « égaux ».
Ne se différenciant pas de leurs élèves, certains professeurs actuels n'ont pas le respect qu'on devrait leur accorder. On constate donc une certaine dégradation du respect dû à l'enseignant, par rapport aux siècles précédents.
Ces changements dans la pédagogie du professeur ont principalement lieu après Mai 68, année de bouleversement du système éducatif français. L'un de ces principaux changements est la disparition des fameux châtiments corporels qui firent et font ailleurs toujours débat. Auparavant, le professeur avait le droit de lever la main sur ses élèves quand ils commettaient une erreur par exemple. Cette pratique fut donc bannie vers les années 1970 car elle allait à l'encontre de la nouvelle pédagogie des enseignants.
L'apprentissage par la crainte n'étant plus pratiqué depuis maintenant plus de 40 ans, on remarque que certains élèves sont moins studieux et ne craignent plus leurs professeurs.
Cette disparition s'explique aussi par le fait que les mentalités ont totalement changé depuis le temps où les châtiments corporels étaient autorisés et pratiqué.
Il reste un point très important de ce changement de pédagogie: les cours magistraux. Avant 1968, la plupart des cours d'apparentaient à un discours, le professeur se tenait debout devant sa classe et récitait son cours. Bercé par la mélodie des paroles de leurs enseignants, les élèves ne retenaient, au mieux, que 10% du cours.
Depuis cette date charnière, les cours magistraux prirent leur place dans le système éducatif, se rapprochant de la nouvelle pédagogie instaurée à ce moment là. Le cours magistral repose sur l'interaction entre l'élève et le professeur, c'est à dire une communication omniprésente dans les deux sens, de nombreux médias à l'appui, des questions posées par l'enseignants aux étudiants et de plus, les élèves n'ont pas à prendre beaucoup de notes.
Cette amélioration des cours souligne l'approche plus pédagogique du système éducatif français actuel qui néanmoins ne revalorise pas le professeur.
La mise en scène de l'autorité est donc un facteur important de la valorisation du professeur et comme nous avons pu l'observer, l'enseignant a perdu une partie de cette valorisation pour gagner en pédagogie et également en efficacité. Il reste néanmoins de nombreuses étapes à franchir avant que le professeur regagne cette valorisation qu'il avait dans le temps.
C / L'evolution du salaire des enseignants
Le salaire des enseignants représente le principal poste de dépenses du budget de l'éducation. Celui-ci a un impact sur l'attractivité de la profession, par rapport à d'autres secteurs. Il intervient dans la décision de choisir la formation d'enseignant, de devenir enseignant à la fin des études, de redevenir enseignant après une interruption de carrière ou de rester enseignant.
L'augmentation de la dette publique, qui provient de l'action des gouvernements pendant la crise financière de la fin 2008, a amené les décideurs politiques à réduire les dépenses publiques- en particulier la rémunération dans la fonction publique. Comme le niveau de salaire et les conditions de travail sont des atouts importants pour constituer, développer et entretenir un corps enseignant compétant et de qualité, les décideurs politiques doivent étudier de près le salaire des enseignants à l'heure où ils tentent à la fois de préserver la qualité de l'enseignement et de maintenir le budget de l'éducation en équilibre.
Les rémunérations des enseignants ont augmenté dans la plupart des pays développés entre 2000 et 2010. Mais pas en France, selon le rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques « Regards sur l'éducation », rendu public le 11 septembre 2012. Par conséquent, la France se classe en dessous de la moyenne OCDE des salaires des enseignants même si en matière de temps de travail, le nombre d'heures annuelles d'enseignement n'a pas évolué pour les enseignants français entre 2000 et 2010, soit environ 650 heures de cours devant les élèves par an.
On parle aujourd'hui des faibles salaires des enseignants et du fait qu'ils étaient plus importants à l'époque mais ceci n'est simplement qu'une idée reçue ! En effet le salaire n'a quasiment subit aucune baisse, juste une légère au moment du changement de monnaie entre euro et franc, mais ce sont bel et bien les autres salaires et l'émergence de la classe moyennne qui ont engendré ce phénomène. Au début du 19ème siècle, en France, pays majoritairement rural, les paysans produisaient en général à peine de quoi survivre, alors que l'enseignant semblait avoir un salaire confortable, mais au fur et à mesure et notamment lors des Trente-Glorieuses, la France s'industrialise et voit naitre une nouvelle classe sociale, vulgairement appelée aujourd'hui « la classe moyenne ». L'enseignant commence alors à « se fondre dans la masse » et se voit verser un salaire relativement égal au reste de la population et celui-ci entre dans la moyenne et devient même « bas » par rapport au reste de la population.
En 1995, le salaire du corps enseignant a augmenté partout sauf en France et en Suisse. Or en Suisse, « le message est différent car les enseignants sont parmi les mieux payés des pays de l'OCDE, mais en France, déjà que le salaire d'un enseignant débutant est inférieur à cette même moyenne, le fait qu'il y ait aussi un recul, cela peut poser beaucoup de questions sur l'attractivité du métier d'enseignant » explique Eric Charbonnier, analyste des politiques éducatives de l'OCDE.
Avec un salaire annuel de 24 006 $ pour ses enseignants selon le rapport de l'OCDE, la France se classe en dessous de la moyenne OCDE, loin derrière le Luxembourg, la Suisse, l'Allemagne ou les Pays-Bas. Dans le détail, les rémunérations des enseignants ont baissé de 8% en primaire et au collège et de 7% au lycée, en tenant compte de l'évolution du niveau de vie. La situation du Japon est comparable à celle de la France avec une réduction de 9% des salaires du corps enseignant. Lorsque l'on compare avec d'autres pays tels que le Royaume-Uni, les États-Unis ou même la Grèce on remarque qu'ils ont augmenté leurs enseignants entre 2000 et 2010; c'est à dire avant les réductions d'effectifs et de rémunérations de fonctionnaires imposées dans ces trois pays par la crise. On peut constater qu'en France comme au Mexique et au Japon, les écarts de rémunérations sont importants. Le salaire des enseignants est inférieur de 5% à la moyenne de l'OCDE en début de carrière, mais le salaire le plus élevé, en fin de carrière, y est largement supérieur. Dans les pays tels que l'Australie, le Danemark ou la Norvège, le salaire en début de carrière, supérieur de 10% à la moyenne de l'OCDE, est très proche du salaire statuaire en fin de carrière. La Pologne arrive à la dernière place du classement établi par l'OCDE, avec un peu plus de 9000 dollars de traitement annuel, soit 7326euros. La Hongrie, la Slovaquie, l'Estonie et le Chili se situent en
bas de ce classement.
Le salaire des enseignants n'est qu'un élément parmi d'autres de leur rémunération totale.
Les enseignants peuvent, par exemple, bénéficier de primes au titre de l'affectation dans des régions reculées, d'allocations familiales, de réductions de tarif dans les transports publics ou de la détaxation des biens culturels. De plus, le régime fiscal et le système de prestations sociales varient énormément entre les pays de l'OCDE.
Pour toutes ces raisons, la prudence est de rigueur lors de la comparaison des salaires des enseignants entre les pays.
Le ministre de l'éducation nationale,Vincent Peillon, souhaiterait augmenter le salaire des enseignants, mais pas pour le moment. En effet selon lui « il serait digne de les payer mieux si nous en avions les moyens ».